Ce que nous pensons
Curieuse ambiance que celle que nous vivons en ce moment autour des élections programmées de novembre 2020. Pendant que les Burkinabè attendent de choisir celle ou celui qui sera appelé à conduire la destinée du pays pour les cinq prochaines années, voilà que des voix, et non des moindres, s’élèvent pour réclamer le report du processus électoral, pour des raisons de constitutionnalité, de sécurité, ou de non fiabilité du fichier électoral.
Oui, l’idéal, pour toute démocratie, est que tous les citoyens puissent exercer leur droit de vote au cours d’une consultation électorale. Cependant, aucune disposition de la loi fondamentale du Burkina n’oblige tout citoyen à exercer ce droit de vote. C’est dire que même moins d’un million d’électeurs peuvent décider du sort d’un peuple de vingt millions de personnes. Et il ne viendrait à l’idée de personne de demander l’annulation d’un scrutin au motif de non représentativité populaire.
Oui, la question sécuritaire constitue une grave menace pour tout scrutin, partout dans le monde. Faire reposer le sort du pays sur cette question reviendrait à cautionner une sorte de prise en otage de notre démocratie et de nos institutions par les groupes terroristes. Aussi, braver tous ces risques et menaces et oser défier la peur, serait le signe que le Burkina Faso ne saurait fléchir devant des groupes fanatisés, aussi puissants soient-ils.
Oui, le nettoyage du fichier électoral s’impose comme un corollaire important pour tout scrutin crédible. Il nous semble évident que ce processus fasse partie de l’opération d’enrôlement en cours sur toute l’étendue du territoire national. Toute autre procédure de vérification pourrait retarder d’au moins un an les élections, ouvrant la voie à une incertitude juridique préjudiciable à l’encrage démocratique évolutif au Burkina Faso. Il est rare, sur le continent et même ailleurs, de trouver un fichier électoral exempt de tout reproche. Aussi, à défaut d’avoir initié ce nettoyage bien avant, ne serait-il pas souhaitable de faire avec l’existant?
A toutes ces préoccupations, vient s’ajouter le doute sur les opérations de vote. Les récentes arrestations d’hommes et de femmes politiques pour tentatives de fraude montrent à quel point la fébrilité a gagné certains états-majors de campagne des partis engagés dans la course électorale. Et il nous revient que déjà, bien avant terme, des opérations de vote par anticipation auraient commencé dans certaines localités du pays, contre espèces sonnantes, trébuchantes ou craquantes.
Pour toutes ces raisons, Vision Burkina préconise la mise en place d’un plan B pour sauver le processus électoral de 2020. Ce plan B consisterait à demander à l’armée de se tenir prête à prendre le relais de la CENI en cas de cas…L’armée aurait ainsi pour mission de veiller à la sécurité du scrutin, à son bon déroulement, à veiller à empêcher les fraudes, à transporter les urnes au besoin, à compiler les résultats et à les transmettre à la CENI pour validation et publication. L’armée nationale, déjà durement éprouvée par les attaques terroristes, n’aurait aucun intérêt à tripatouiller des résultats électoraux au risque d’ouvrir un autre front de contestation électorale. Et en ce sens aucun candidat, aucun parti politique ne saurait contester les résultats d’une élection organisée par l’armée. Et à bien y penser, c’est en cela que Vision Burkina préfère le plan B au plan A, et de loin. Un plan qui pourrait également clore le débat sur le report possible des législatives pour motif d’insécurité.
Il y a de cela 42 ans, en 1978 précisément, la seule élection véritablement démocratique, transparente et crédible jamais tenue dans notre pays qui s’appelait la Haute-Volta, avait été pilotée par un colonel, Somé Yoryan Gabriel, qui avait vu le président sortant Aboubacar Sangoulé Lamizana, un militaire, mis en ballotage par un civil, Macaire Ouédraogo, provoquant ainsi un 2ème tour. Une élection qui avait été saluée par le monde entier et avait permis à la Haute-Volta d’être citée en exemple en Afrique.
K. Dô Pascal Sessouma